Nous avons reçu ce témoignage sur l’adresse mail de notre association.
Après accord de l’auteur, nous avons souhaité le publier. En voici la raison :
Vous allez lire une histoire insupportable, mais au-delà des mots, il y a un message.
Il est effectivement difficile, voir insurmontable, pour nous, parents, d’entendre notre enfant parler de maltraitances qu’il a pu subir …
Il est parfois compliqué pour nous, parents, d’aider notre enfant à libérer sa parole.
Il est parfois impossible pour notre enfant de nous parler parce qu’il sait qu’il va nous faire du mal et qu’il nous protège.
Cependant, à travers ce témoignage, on se rend compte combien il est important que l’enfant parle de ce poids. Cela étant nécessaire pour lui permettre de grandir et s’épanouir libéré de ce traumatisme.
Témoignage :
Je voulais faire part de tout mon soutien aux victimes et à leur famille. J’espère que la justice sera exemplaire. Ce qui est arrivé à vos enfants a été possible parce que la justice fait parfois preuve de beaucoup de laxisme vis-à-vis des pédophiles. Cette histoire fait écho à ce qui est arrivé à l’un de mes enfants qui a été victime d’agressions sexuelles à l’âge de 2 ans et demi. Cela n’a pas eu lieu au sein de l’éducation nationale mais alors qu’il était sous la responsabilité d’une assistante maternelle. Je me permets de vous raconter cette histoire, pour montrer que les dysfonctionnements observés dans cette affaire «d’instituteur pédophile, récidiviste» ne sont malheureusement pas exceptionnels.
Mon garçon a changé de nourrice lorsqu’il est rentré à l’école maternelle. Dès les premiers jours de garde, il a eu des saignements au niveau anal. Avec son père, nous n’avons pas pensé tout de suite à de la maltraitance. Nous avons, sur les conseils du médecin, donné un traitement à notre enfant. Après une quinzaine de jours passés chez cette nouvelle nourrice, les saignements au niveau anal persistaient et un soir au moment du bain nous avons vu que notre enfant saignait au niveau du pénis : il y avait une coupure dans les peaux au niveau du prépuce et le frein était partiellement rompu. Ce soir là , nous avons compris que quelque chose de grave se passait chez cette nourrice. J’ai repris son slip qui était dans le linge sale, il était taché de sang devant et derrière. C’est un moment très difficile, l’horreur de la situation était tellement insupportable que notre esprit se refusait à accepter l’évidence : «notre enfant était victime de violences sexuelles». J’essayais de trouver une autre explication aux plaies, mais aussi à sa fatigue, à son changement récent de comportement (il s’était mis à ne plus quitter sa tétine et s’entourait tout le temps de doudous, dormait mal, nous pensions que c’était à cause de son entrée en maternelle). Nous n’avons pas su lui poser les questions. Nous étions perdus, lui a bien perçu notre inquiétude, notre panique. Il s’est enfermé dans une sorte de déni («je n’ai pas saigné du zizi»). Quand on lui posait des questions, il fuyait, se bouchait les oreilles, marmonnait des paroles inaudibles.
Nous avons vu un médecin généraliste le lendemain, un samedi matin. Malheureusement ce médecin ne nous connaissait pas. Il a pensé à un inceste mais n’en a pas parlé directement. Moi je n’ai même pas réussi à lui dire que mon enfant venait de changer de nourrice. C’était totalement bloqué au fond de ma gorge. Avec son père, nous étions tellement assommés et perdus. Je me disais : « si je lui dis qu’il vient de changer de nounou et que depuis il a des saignements au niveau anal et maintenant au niveau du pénis, ce médecin va penser la même chose que moi » et cela me terrorisait. Lui comme moi nous n’avons pas fait ce qu’il fallait. Un malaise était présent mais personne n’a dit le fond de sa pensée. Nous avons perdu du temps, cela aurait peut-être changé l’issue de notre plainte.
J’ai rappelé ce médecin à la première heure le lundi matin, mon enfant devait retourner chez sa nourrice l’après midi, mais c’était évidemment inconcevable. Le médecin m’a immédiatement dit qu’il voulait me recontacter car ce qu’il avait vu sur mon fils était totalement anormal. Il avait peu de toute sur l’origine des plaies et il avait pensé que c’était son père. Il n’avait pas voulu aborder le sujet devant mon fils. Il m’a dit que ce qu’il avait vu l’avait franchement perturbé malgré sa longue expérience de médecin généraliste…il comptait faire un signalement mais il nous a conseillé d’aller porter plainte.
Nous avons porté plainte, 4 jours après les derniers sévices…, beaucoup trop tard pour la justice. Je regrette de ne pas m’être mieux informée sur les violences sexuelles faites aux enfants. Cela nous aurait sûrement permis de mieux agir. Nous avions l’impression que ce qui nous arrivait était inconcevable, que cela ne pouvait pas faire partie de notre monde. J’étais naïve…quand on connait les statistiques des violences sexuelles sur mineurs….on tombe des nues.
Le dépôt de plainte a été fait avec le certificat du généraliste décrivant l’état de notre enfant.
Notre enfant a été auditionné une fois, il n’a pas parlé. C’était un enfant âgé de 2 ans et demi, qui n’était pas spécialement en avance sur le langage. L’audition a été menée par un gendarme en tenue. Pour moi c’est une grave erreur, pour un enfant de cet âge, un gendarme arrête les méchants et ceux qui font des bêtises. Dans sa tête, c’était lui qui avait mal fait. L’audition a été très longue (plus d’une heure…), on lui a dit des choses du style, «il faut travailler jeune homme, et répondre aux questions.»..Ensuite, nous avons vu un légiste qui avant même d’avoir ausculté notre fils a dit : « je n’y crois pas à votre histoire ». Il a fait un certificat qui mentionnait les plaies au niveau anal mais pas les cicatrices au niveau du pénis alors qu’il les avait décrites à l’oral…..Pourquoi ?
On a été broyé par la machine judiciaire qui a très très vite classé notre plainte sans suite; seul le certificat du légiste fait 5 jours après les faits a été retenu. On nous a expliqué que les certificats des médecins généralistes n’avaient pas de valeur au niveau judiciaire… Même si le certificat du généraliste avait été établi bien plus précocement que celui du légiste, il ne comptait pas.
Notre fils n’a jamais été réauditionné, de toute façon il n’aurait sûrement rien dit.
A nous, il a peu à peu dit des choses, c’est venu doucement, par bribes pendant les 2 années qui ont suivi ces agressions. Cela venait comme ça, à des moments anodins, de façon assez spontanée. Plusieurs semaines après, un jour où je l’habillais, il m’a dit que sa nounou l’avait menacée de lui couper la tête …Il n’avait même pas 3 ans, je suppose qu’il a été persuadé que si il parlait cela lui arriverait vraiment. Il nous a parlé des zizis qui font du pipi blanc un jour où son pyjama était mouillé au niveau de la cuisse, de sa nounou qui partait, qui avait une autre maison, un autre travail…et de son mari qui le couchait sur le grand lit, de son zizi qui a saigné dans le grand lit… Cela n’a jamais été un récit construit, juste des morceaux, comme des images qui lui sont restées ou revenues….Un jour après le bain j’ai posé mes mains sur sa tête avec une serviette pour lui sécher les cheveux et il a totalement « disjoncté » il s’est jeté sur ma cuisse et m’a mordu au sang (à travers une serviette éponge et mon jean), je suis convaincue que mon geste lui a rappelé des choses qu’il a vécues. Quand il a arrêté de me mordre il m’a regardée et s’est effondré en larmes… Il a également fait quelques dessins plusieurs mois après.
Mes parents ont fait un signalement pour renforcer notre plainte et nous nous sommes aussi constitués partie civile. Mais tout cela a été inutile. l’ASE n’a rien fait puisque la justice ne faisait rien. L’assistante maternelle a toujours son agrément. Notre plainte a abouti à un non-lieu.
Seule «consolation», le mari de la nourrice était en demande d’agrément pour devenir assistant maternel. Il n’ a pas eu son agrément, suite à notre démarche. Mais sa femme garde toujours des enfants.
Pour les parents d’enfant victimes, sachez que notre enfant a maintenant 6 ans et demi et qu’il va très bien. Il s’est reconstruit. C’est un bon élève, il est très bien sociabilisé à l’école, fait des activités extra-scolaires avec plaisir, il est très heureux et les nuits sont redevenues le plus souvent calmes. Les psychologues et pédopsychiatres nous ont dit que c’était essentiel pour qu’il se construise correctement que ses parents aient compris qu’il souffrait et qu’il se soit senti protégé, aimé et précieux. Quand on le voit aujourd’hui et qu’on se rappelle par où nous sommes passés, nous sommes fiers de lui, de sa force et je me dis que nous avons fait ce qu’il fallait pour lui.
Bien sûr il n’y a pas un jour où on ne pense pas à cette histoire, pas un jour où on ne se pose pas mille et une questions sur l’impact que pourraient avoir ces événements sur la santé mentale de notre enfant. Pour le moment tout va bien, avec son père nous mettons et nous mettrons tout en œuvre pour que cela perdure… Nous espérons que cela sera suffisant.
Votre association pour accompagner les victimes et leur famille est essentielle. Nous nous sommes sentis vraiment seuls. La plupart des parents ayant des enfants en garde chez cette nourrice ne nous ont pas crus ; nous sommes passés pour des fous….c’était terrible. Ceux qui nous ont crus, ont enlevé peu à peu leurs enfants mais sans leur expliquer pourquoi….
Nous avons malheureusement échoué pour faire condamner ce pédophile. Nous sommes convaincus que d’autres enfants ont été victimes avant notre enfant et malheureusement nous craignons que d’autres le soient. Nous avons donc un grand sentiment de gâchis. Pour notre fils, a priori personne n’avait rien vu mais maintenant pourquoi laisse t-on faire? Pourquoi n’y a t il pas eu de véritable enquête sur cette famille qui a déménagé de nombreuses fois ? Pourquoi n’a-t-on pas posé de question à d’autres enfants qui ont été gardés là bas? Pourquoi n’a-t-on pas véritablement posé de questions au mari de la nounou et à son fils de 20 ans ? Pourquoi le mari avait un CV en ligne où il posait en photo accolé à un jeune enfant pour chercher un emploi de chauffeur poids lourd….curieuse initiative…? Il n’y pas eu de perquisition à leur domicile. Ils ont même pu choisir le jour de leur audition. Ces gens ont de nouveau déménagé…..une habitude chez eux.
J’aimerais que ce qui est arrivé à notre famille soit au moins utile à d’autres. En cas de suspicions d’abus sexuels, il ne faut pas attendre, aller aux urgences porter plainte immédiatement….dans notre cas, je ne sais pas si cela aurait changé quelque chose. Notre fils était très petit, je pense qu’il n’était pas en capacité de mettre des mots sur ce qu’il lui était arrivé. Je pense également que l’audition d’un si jeune enfant ne devrait pas se faire avec des gens en uniforme de police ou de gendarme.
Avec mon mari, nous avons aussi eu franchement l’impression qu’il y avait une sorte de laisser-faire, peut-être parce que notre enfant était très petit et aussi peut-être parce qu’il n’y avait qu’une plainte. Comme nous l’a dit un gendarme «il en faudrait d’autres des plaintes…..». Nous avons eu le sentiment que personne n’a eu le courage de prendre ses responsabilités et qu’il valait mieux laisser tomber et espérer que ce pédophile ne recommence pas ou attendre qu’il se fasse de nouveau prendre, pour être sûr….
Nous souhaitons beaucoup de courage aux victimes et aux familles touchées par cette histoire. Votre combat sera très long et difficile.